Mandiana : les jeunes de Loïla boudent les mines artisanales au profit de l’agriculture

La préfecture de Mandiana, située en Haute-Guinée, est connue pour son exploitation artisanale de l'or en pleine progression. Cette activité est largement pratiquée par la quasi-totalité des jeunes des communes rurales de la préfecture, qui optent pour le gain rapide, malgré les conséquences néfastes telles que les pertes en vies humaines par éboulement et la destruction de l'environnement.

Cependant, malgré cette convoitise pour l'or, certains jeunes se démarquent en choisissant l'agriculture qu'ils considèrent comme plus bénéfique. C'est le cas des jeunes du groupe "Kougbana" dans la localité de Loïla, un district relevant de la sous-préfecture de Koundian. Ces jeunes, malgré leurs maigres moyens se sont lancés dans la culture de la terre depuis plusieurs années. Kalil Sacko, membre fondateur de ce groupe revient sur leur motivation. « Nous sommes nés et avons grandi ici à Loïla. A notre enfance, nous avons pratiqué l'exploitation artisanale de l'or auprès de nos aînés. C'est vrai qu’à l'époque on gagnait un peu d'argent, mais après nous avons compris que ce n'est pas un travail qui rend riche, plutôt nous contribuons à rendre riches les grands patrons qui achètent l'or que nous gagnons. En plus, vouloir choisir l'exploitation artisanale de l'or comme métier est une ignorance, ça devrait être une activité parallèle parce que ça n'a pas d'avenir. C'est pour cette raison nous nous sommes réunis pour prendre l'initiative d'aller vers l'agriculture qui contribue non seulement au développement économique de notre localité, mais également à la préservation de notre environnement et nos vies qui étaient en danger chaque fois que nous étions dans les puits à la recherche de l'or. Voilà les raisons qui nous ont poussés à pratiquer l'agriculture », a-t-il expliqué

En choisissant l'agriculture avec le peu de ressources qu'ils possèdent, ces jeunes ont réussi à mettre en valeur un champ de manioc et d'anacardiers de plus de 30 hectares. Leur ambition principale est de réussir et inciter d'autres jeunes à s'orienter vers l'agriculture en abandonnant les mines.

« Quand nous avons commencé en 2020, nous nous sommes d'abord lancés dans la culture du manioc et de l'anacardier. Nous avons pu obtenir un très bon résultat qui nous a permis d'élargir notre espace jusqu'à 30 hectares.  Au-delà de ça, chaque membre du groupe a créé son propre champ avec le peu de moyen que nous avons gagné. D'autres font du maïs, d'autres des oranges, manioc, arachides, anacardiers, etc. Nous avons mis un système en place qui nous permet non seulement de travailler ensemble dans notre champ collectif, mais dans nos champs individuels aussi. Nous voulons être des modèles inspirants pour d'autres jeunes qui n'ont que pour travail l'exploitation artisanale de l'or. C'est à dire leur montrer que l'agriculture peut offrir une alternative durable plus que l'exploitation de l'or qui n'est qu'une activité avec une rentabilité éphémère. Nous préférons être des producteurs au lieu d'aller travailler dans les mines », a déclaré Nouhan Sacko

Pour ces jeunes, leur localité regorge d'énormes terres agricoles fertiles qui sont de nos jours en train d'être détruites à cause de l'exploitation minière. Mettre en valeur ces terres à travers l'agriculture est selon eux la possibilité de les conserver pour le bien de la communauté.

« Notre village est une localité agricole, nous avons suffisamment de terres agricoles ici. Mais à force de les utiliser pour l'exploitation artisanale,  nous avons fini par détruire beaucoup d'espace qui ne peuvent plus être fertiles. Dans le passé, des gens ont donné leur champ juste pour avoir les intérêts qui étaient prélevés sur chaque gramme d'or extrait sur ces espaces. Aujourd'hui, certains d'entre eux n'ont plus un endroit pour faire l'agriculture et l'argent qu'ils ont gagné n’a presque rien servi sauf peut-être construire et ensuite acheter de la nourriture pour la famille. Pourtant, s’ils avaient pratiqué l'agriculture sur ces terres, ils pouvaient construire,  garantir leur autosuffisance alimentaire tout en continuant de travailler sur le même domaine agricole. Il faut que nos communautés prennent conscience que l'exploitation artisanale de l'or n'apporte rien à nos localités sauf un désastre économique, social et environnemental », a déploré Mamadi Sacko.

De Mandiana,  Souleymane Kato CAMARA 

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