Le Milo fut dans le passé un véritable poumon économique et environnemental de la savane guinéenne. A travers des échanges commerciaux par des bateaux à fond plat entre Bamako et Kankan, cet affluent du fleuve Niger fut une partie intégrante dans la vie des habitants de Batè et pas seulement. Aujourd’hui, ce beau bijou qui a marqué les esprits n'est qu'un souvenir lointain à cause des actions anthropiques palpables sur ses berges.
Chaque année, le Milo se fâche. Le lavage des engins, fabrication traditionnelle de briques, l’extraction du sable, le maraîchage sont parmi les causes de ces dégradations très poussées. De mauvais agissements qui interpellent les consciences. Là-dessus, des spécialistes font entendre leurs voix. « Le danger qui guette ce fleuve aujourd'hui est extrêmement grave, vu tout ce qui se passe aujourd'hui à l'amont et à l'aval de ce cours, prouve qu'il est en train de disparaître petit à petit. Les petits cours d'eau qui sont à l'amont et qui arrosent le fleuve sont menacés par les cultivateurs qui d'années en années cultivent des milliers de surfaces sans compenser. Donc, ça c'est déjà un véritable danger pour ces petits cours d'eau, car ils deviennent irréguliers et finissent par disparaître. D'où l'arrosage du fleuve Milo devient difficile, ça c'est le premier aspect. Deuxièmement, le fleuve lui-même est menacé à cause des actions anthropiques qui sont menées sur ses berges. Si vous partez aujourd'hui aux alentours du fleuve, à quelques 100 mètres, vous allez voir des carrières installées et des fours de fabrication de briques artisanales par des citoyens qui viennent chercher de quoi vivre », a fait savoir sous-lieutenant Pema Grovogui, chef de section préfectoral de l'environnement de Kankan.
À défaut d’un plan de gestion des ordures de la ville, les rives du fleuve se sont transformées en dépotoir par de milliers de riverains et agents de ramassage d'ordures. Ces actes en plus de rétrécir le lit du fleuve, ils affectent la qualité de l’eau qui était il y a des décennies utilisée pour la cuisine et plusieurs autres tâches ménagères. « Le domicile de mon mari fait face à ce fleuve. Je suis venue ici quand j'avais 19 ans et aujourd'hui j'ai mes 67 ans. A cette époque, il était même interdit de laver les marmites dans cette eau. Ceux qui enfreignaient cette règle étaient sévèrement sanctionnés. La plus part des familles venaient ici puiser l'eau pour la cuisine et remplir les jarres. Mais de nos jours, ce sont les citoyens eux-mêmes qui ont transformé les berges du fleuve en dépotoir d’ordures. Toutes les ordures de la ville sont déversées par là. Cela a dégradé complètement la qualité de l'eau. Personne n'ose risquer sa vie en acceptant de consommer cette eau souillée. En toute sincérité, quand je vois l'état actuel de ce cours d'eau qui nous a tout donné, je verse les larmes », a déploré Hadja Kadiatou Diakité.
Dans le registre de la pêche artisanale, le Milo a fait des heureux au sein de la corporation. Quelques images qui remontent le temps font froid au dos. A date, force est de constater que les effets du changement climatique occasionnent par endroit la rareté des produits halieutiques. « Moi j'ai grandi au bord de ce fleuve avec mon père qui était un très grand pêcheur. A l'époque j'apprenais auprès de lui cette activité. Je me souviens c'est une époque vraiment magnifique, car le fleuve n'était pas pollué et l'abondance des poisons n'était un secret pour personne. Après la mort de mon père, j'ai continué ce travail pour nourrir ma famille. Durant des années, tout se passait merveilleusement bien, parce que je ne manquais pas de poisson. Mais maintenant, je suis au regret de vous annoncer que ce n'est plus le cas. Le fleuve est totalement agressé et pollué. La plupart part des arbres sous lesquelles les poissons se reproduisaient ont tous été coupées. Comment voulez-vous que la pêche artisanale porte fruit ? Avant je pouvais faire deux tours ici, mais actuellement je viens quand je n'ai rien à faire. J'ai entrepris une autre activité, parce que il n y presque plus de poisson », a indiqué Abou Traoré.
Pour permettre de sauver et préserver ce patrimoine et symbole de Kankan, le chef section préfectorale de l'environnement de Kankan propose des pistes de solutions. « Moi au moment où j'étais chef de cantonnement au niveau de la commune urbaine, j'ai fait des lettres circulaires pour dire aux gens de ne plus travailler aux alentours du fleuve, mais malgré tout, c'était toujours des problèmes. Donc il va falloir que l'Etat prenne réellement ses dispositions en nous appuyant afin que nous puissions reboiser les parties dégradées, et procéder à une interdiction totale de ces actions nuisibles à la survie du fleuve, tout en organisant les gens qui pratiquent ces activités, car ils vivent de ça. L'Etat peut leur orienter vers la production des briques stabilisées. Avec cette stratégie associée aux séances de sensibilisation, le fleuve aura la chance de survivre. Si ce fleuve tari, le haut Niger aura aussi des problèmes, et cela pourrait être un risque pour l'ensemble de nos cours d'eau en Guinée », a conclu Sous-lieutenant Pema Grovogui.
De kankan, Souleymane Kato Camara